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jeudi 25 juin 2009

(en souterrain) Phase 2 : l’adolescence.

Suite de : (1) béni soit le grand M ; avant d'enfiler la chemise 2) l'enfance

Le conditionnement est opérant depuis de longues années déjà.

L’errance de l’ado chez McDo-Quick est impressionnante. Les samedis, les mercredis, mon McQ était bondé de cette population, et on s’interrogeait énormément sur leurs comportements.


L’adolescence est une période excessivement difficile, peut être la pire de toutes à vivre. Adulte, on connaît des crises, vieux également, des crises qui, vue sur le papier, peuvent être bien plus dramatiques que l’acné juvénile : les divorces, la perte des proches, la maladie… Mais l’adulte, le vieux, a de l’expérience, du vécu. Il a pu se forger des armes, il a déjà gagné des combats, il a déjà connu la souffrance.

L’ado, lui, est confronté au monde de pleine face, nu comme un ver, seul coincé dans un corps se métamorphosant à vitesse éclair.

Qui suis-je ? Qu'est-ce que le monde ? D’où vient-on ? Qu’est ce que je dois faire ?
Les yeux grands ouverts, il se prend les pires réalités en pleine tronche. Comme s’il avait vécu son enfance dans une coquille.

Et il se rend compte que personne ne peut répondre à ces questions, qu’il faut vivre dans le doute permanent.

Et je ne parle que de la crise existentielle…

La pression sociale devient énorme.

C’est dans le regard de ces clients-ado que j’ai vu ce terrible fardeau obligatoire.

À 12 ans, maquille-toi. Fringue-toi, moule-toi. Comme les filles des magazines, sinon t’es qu’une grosse merde et tu seras rejetée par tes semblables.

C’est ainsi que sur des talons de 10 centimètres on voit des enfants qui tentent d’avoir le masque supposé de l’adulte.

Pression sociale.

Le restaurant rapide devient un instrument. L’ado, les yeux grands ouverts voient mieux que l’adulte, il saisit toutes les failles, les interstices où l’on peut jouer avec les règles des grands.

Ainsi, il voit le squat parfait. Le lieu de rendez-vous. Ils usent un maximum des possibilités : Les filles font des séances coiffures en pleine salle, lisseur branché ; Les tektoniks, cette espéce disparue, y faisaient son entraînement ; On a des verres d’eau gratos, des pailles, des serviettes. Et ça sert de jouet sans être défini comme tel, c’est donc pas la honte. ; ça roule des pelles pendant des heures, voir même un peu plus. Et tous les autres ados peuvent le voir > regardez, je suis grand, je mets ma langue dans une autre bouche !


Et le mieux dans tout ça, c’est que ces comportements sont peu réprimandés, sauf quand ça va trop loin.

Ainsi, le resto se transforme en leur lieu à eux, avec leurs potes essentiels. Leur espace protégé du monde adulte, mais qui fait comme si on était grand.

Évidemment que le Mcdo-Quick a tout intérêt à laisser cette faune s’ébattre de sa liberté, et l’entreprise a très bien cerné le problème : Les lieux de vies pour ados, y en a pas.
Un design cool, un pied dans le monde enfantin, un autre dans le monde adulte, ainsi tout le monde à son compte, c’est une magnifique stratégie commerciale.

Mieux que ça, en laissant les ados faire un peu ce qui veulent, les jeunes pensent qu’on est trop con, qu’ils ont plus de pouvoir que nous sur le restaurant. Et l’entreprise, bien évidemment leur laisse cette idée de supériorité, parce que ces gamins ils ont plus besoin de confiance en eux que de nuggets.
Ce n’est pas un sundae que ces jeunes achètent là, c’est un espace de liberté où ils se sentent puissants.

Et parfois, de derrière le comptoir, on les voit, se traîner, s’ennuyer au possible, tourner sans savoir quoi chercher, attendant je ne sais quel miracle de ce lieu.

Le conditionnement a bien fonctionné, les anciens enfants qui avaient trouvé le jeu et la fête en famille, trouvent un abri protégé de leurs sombres pensées, où les hormones peuvent éclater.
McDo-Quick s’offre là le rôle de sauveur, sans pratiquement aucun effort…

C’est à méditer. On a tous un déni plus ou moins marqué de notre période de disgrâce, et donc on a du mal à voir ces ados sans voir notre propre vécu. L’enfance est mignonne, l’adolescence c’est un miroir de nos propres cauchemars.

On a deux extrêmes attitudes, nous les adultes qui n’avons pas réussit à se détacher de notre adolescence :

le rejet pur et simple s’exprimant par la colère, le combat engagé contre l’ado rebelle. Mais quand on joue au flic, l’autre se retrouve dans le rôle de voleur… Et ça n’aide personne, on tourne en rond, ce chemin n’a pas d’issue.

Et l’autre attitude, le laisser-faire le plus total, sans aucun cadre qui soit. Mais l’ado n’est pas un adulte, c’est une moitié d’enfant, avec une vision terriblement affûtée, des sens qui ne seront jamais aussi sensibles. Il a besoin de quelque chose, un soutien et parfois juste la possibilité d’un soutien.

On apprend à regarder les autres sans y voir le reflet de nos hontes, c’est quelque chose qui se réfléchit et qui s’exerce. Mais là aussi, ça passe par des prises de conscience personnelles.
McDo-Quick consciemment ou pas, offre quelque chose d’assez étonnant, dont l’objectif est à long terme. Car la vente d’une glace pour 4 personnes, c’est pas super rentable… Il est question de maintenir une bonne réputation, et le lieu acquiert ainsi un potentiel énorme : Il confirme a ces ados qui se questionnent sur le monde, la société, que c’est un lieu est bon. Qu’il les protège, qui est cocon et liberté à la fois.

À la fois magnifique et effrayant, cette conclusion.

… Et on n’a toujours pas parlé de bouffe.

Suite : Phase 3 : Jeunes adultes/étudiants

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