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mardi 23 juin 2009

( en souterrain) Phase 1 : l'enfance

En lien avec : béni soit le grand M, avant d'enfiler la chemise

Un petit mot d’introduction. Je n’aime pas séparer les choses en bien et en mal, que ce soit clair. Si je coupe en deux les articles de cette série, c’est par souci de réalisme (légèrement romancé, par souci de confort de lecture et d’écriture en ce qui me concerne).

Une version tronquée (la surface) .

Et une version plus complexe ( les souterrains) que voici.


La version tronquée m’apparaît comme jolie, légère, un petit chemin dans un petit bout de monde amusant, vous savez un peu comme si on se penchait sur des vieilles photos d’un ancien nouveau-né. Des joues bien roses, de jolies pupilles bien craquantes.


Que c’est mignooooooooooooooooon !!!!!!!!!

Seulement voilà, l’enfant c’est Hitler et on ne vous l’avait pas dit.

Voilà pour la métaphore.

C’est pourquoi la version plus complexe est là pour rétablir l’histoire de ce petit homme ( on est toujours dans la métaphore, hein, nan parce que ça m’embêterait de vous voir espérer que je parle de monsieur nazi himself).

Pourquoi une version tronquée ? Parce que je comprends qu’on puisse aimer rêver ou ne pas voir certaines choses. Moi-même je m’éloigne parfois des journaux télévisés d’actualité et je hurle devant cette même télé pour ne pas entendre mon président parler. Tout simplement parce que ça fait mal.

C’est sûr, c’est plus facile de vivre en s’éloignant de toutes formes de souffrances possibles et imaginables. C’est même parfois essentiel à la survie, je pense à mon rapport de stage, ou j’expliquais comment des patients Alzeimer n’avaient plus conscience de leur propre trouble, ainsi que tous les oublis qui caractérisent la maladie. C’est abominable, terrible, dramatique, mais cette absence de conscience est ici nécessaire, car l’esprit humain ne peut supporter de faire face à la perte de tous les souvenirs qui ont constitué sa vie, puis même les visages de ses enfants. Ce serait comme regarder en face la destruction de chaque élément de notre vie, c’est encore pire que la mort.

Donc je tente par ce découpage expérimental afin de préserver les défenses naturelles de l’esprit humain, je respecte le déni.

Mais cessons ces présentations introductives et lançons-nous.

Phase 1 : l'Enfance.


Un enfant a généralement des parents.

Des parents qui ont connu la restauration rapide, qui y sont clients plus ou moins fidèles. Comme on transmet le fait de servir le melon en entrée ou en dessert, les parents vont transmettre le fait de fréquenter le McDo-Quick. Presque involontairement. Ça ressemble presque à ce qu’on appelle les impondérables :

« (les impondérables), ce sont des choses comme la routine du travail de l’homme, les détails des soins corporels, la manière de prendre la nourriture et de la préparer, le style de conversation et vie sociale autour du feu du village… » MALINOWSKI (1992) (ethnologue)
Des choses de l’ordre du quotidien, du banal… Mais qui sont difficilement accessibles à un chercheur en sciences sociales, non parce que ce sont des choses secrètes ou mal vues, mais parce que c’est tellement banal, qu’en entretien, la personne interrogée n’en parlera pas.

Allez un exemple, posez la question à quelqu’un, n’importe qui : qu’est-ce que vous mangez ? Il répondra par des choses qui lui sont importantes à ces yeux : la nourriture de sa région, de son pays d’origine, ou encore mettras en avant le fait qu’il soit végétarien ou qu’il n’achète que bio. Bref, des réponses d’ordres identitaires, qui le valorise ou qui au moins correspondent à ce qu’il veut vous montrer de lui.

La personne qui ne mangera qu’une fois par mois en restauration rapide, ou encore juste avant les sorties ciné, je doute fort qu’elle en parle en premier lieu. Tout simplement parce que c’est minoritaire, comparé à son alimentation globale et qu’il s’identifie plus à sa brioche vendéenne qu’au bigmacgiant.

Bref, tout ça pour expliquer la transmission involontaire de l’habitude de la mangeaille en fast-food à ces bambins.

Cela dit, ce n’est évidemment l’unique raison du pourquoi on envoie ses enfants en happy meal land.

Parfois c’est l’enfant lui-même qui demande à y aller :

Parce que les petits copains lui en ont parlé, parce cousine-truc et bah elle a la super figurine de la mort qui tue du dernier film de Disney…. Aie, on arrive à un point sensible.

L’enfant est influençable, modelable. Il lui est difficilement faisable pour lui de se faire une propre opinion. C’est normal, il ne sait presque rien sur la vie, son cerveau n’est pas complètement formé. L’enfant est excellent élève, il apprend tout ce qu’on lui enseigne, il apprend même ce qu’on ne lui enseigne pas.


C’est pour cette raison qu’un jour il dira « putain tu fais chier » sans comprendre le sens de cette phrase fleurie, tout comme il croira que Mcdo-Quick c’est exactement comme à Disneyland. Y a des jeux, on rigole, et on donne des cadeaux alors que c’est même pas son anniversaire.

La pub, pour le bambin, c’est la réalité. Vous vous rappelez de cette campagne de pub, ou l’on voyait un enfant regardant un film d’horreur ? Et PAF une balle en plein cœur. Ne cloisonnons pas cette scène au seul répertoire de l’horrible.

Tout enfant, si surdoué qu’il soit, a beaucoup de mal a faire la distinction entre réalité et fiction télévisuelle. Et je dirais même que c’est encore plus facile de la faire qu’entre jeux vidéo et realité, le jeu vidéo étant graphiquement très séparée de la réalité et ne respectant pas ses lois élémentaires.

La pub, s’efforce de reconstituer une réalité plus belle qu’elle ne l’est. Y a maman, papa, ça rigole dans le restaurant qui est tout pareil. Non seulement on veut croire que c’est vrai parce que ça semble un parfait idéal, mais la pub fera également tout pour entrer dans votre cerveau, et pas dans la catégorie pub.

Voici une expérience parmi tant d’autres :

http://www.sciencedaily.com/releases/2001/06/010612065657.htm

"Environ un tiers des gens à qui on a montré une fausse publicité décrivant une visite à Disneyland racontent ensuite comment ils ont rencontré et serré la main de Bugs Bunny, disent qu'ils s'en souviennent ou affirment que cela leur est bien arrivé."
La mémoire est sélective, qu’on le veuille ou non. Elle supprime donc pas mal de souvenirs et en modifie beaucoup. Voir, en invente.

En analyse, Freud au début de sa carrière, s’est retrouvé face à un problème : toutes les patientes rapportaient au bout d’un certain temps des histoires incestueuses qui leur seraient arrivées… Ce qui n’était pas leur cas à tous.

Aujourd’hui encore on a des cas arrivant en justice, d’enfants qui s’entendent dénoncé leurs proches de viols. C’est parfois faux et là c’est l’étonnement qui nous prend.
Comment peut on inventer de telles épisodes de notre vies ? Est-ce que ces personnes mentent ?
Le cas du viol (ou du comportement) incestueux dans l’enfance est très facile à induire, même quand on ne souhaite pas manipuler la personne.

Le complexe d’Oedipe…

C’est naturel de fabriquer des souvenirs, c’est même sain dans certains cas.

L’enfant reconstituera sa toute petite enfance avec les souvenirs contés, il en fera des images, rajouteras des vrais sons… Et finalement, les tiendra pour vrai, car je l’ai déjà dit, la distinction entre rêve et réalité n’est pas bien définie petit, et cela même dans le fonctionnement cérébral.
On fabrique on modifie les souvenirs également pour avoir une histoire de vie cohérente à notre présent. Comme un réalisateur couperait certaines scènes inutiles, ou changerait la luminosité sur des images. On évolue, parfois certains souvenirs nous reviennent, car ils ont regagné leur place dans cette histoire de vie ? D'autres sont tout simplement effacés.

C’est un gain d’économie pour le cerveau, comme on réorganiserait les données sur son disque dur, c’est nécessaire.

Pour le marketing, c’est une source de pouvoir que la poésie un peu folle des rouages de la mémoire, car cette même mémoire fonctionne sans que la pensée consciente vienne ordonner tout ça. On peut se dire : « je veux me souvenir de ça » mais la majorité du temps, le travail se fait comme on respire, par automatisation. Ce serait ingérable sinon.

Petit résumé :

- La mémoire nous montre que nous ne sommes pas des êtres rationnels et objectifs. Cela peut semblait une faiblesse que ces défaillances qui mènent parfois à se faire manipuler, ou qui nous font perdre une multitude d’instants vécus. Cela dit, la mémoire est une force créatrice qui transforme votre vie selon votre présent, qui en fait une histoire qui fait votre identité. Une force poétique, que vous pouvez influencer grâce à votre perception, vos envies, votre conscience, votre intelligence.

- Le marketing peut rentrer dans votre tête et vous faire croire que vous avez vécu des événements qui sont profitables à leur chiffre d’affaires. Des bons souvenirs, donc, que votre cerveau mettra en avant, car ils sont profitables pour alimenter la motivation. Vous voyez ou je veux en venir ? Le cas du souvenir est extrême, ça peut être juste des odeurs, des ressentis…

Prenons un exemple tout con : La mer. Vous êtes enfant, vous ne l’avez jamais vu. À la TV, la mer est souvent associé au plaisir, les vacances, etc… La famille, l’entourage vous en parle de façon positive, le sable avec lequel on peut faire des châteaux, les coquillages, le bon air… C’est ce qu’on appelle un conditionnement. On vous prépare à rencontrer une situation, on influence votre futur avis sur la question. On vous livre un paquet d’avis subjectifs, car même les images de la télé, des photos sont subjectives, il y a toujours un homme qui a pensé, ne serait qu’un moment derrière l’appareil.

Vous allez aimer la mer. Au fur et à mesure, selon la liberté qu’on vous laisse et que vous vous laissez, vous vous ferez votre avis sur ce lieu et vous y retournerait ou pas.

C’était plutôt sain ce conditionnement, sauf que ce n’est pas la mer, ça : C’est la plage. Essayez de partir en bateau quand il vente, ne serait-ce qu’un tout petit peu, là vous aurez une plus vision déjà plus réaliste de la mer.

Vous êtes également conditionné à avoir une opinion sur McDo, tout comme vous avez une opinion sur la mer. La pub, les expériences personnelles… Sauf que la mer n’a rien à vous prendre si vous n’en fréquentez que ces plages. (Évidemment, je ne parle pas des lieux hautement touristiques ou l’on achète sa place sur le sable. ).

Donc le client sera roi, comme dans tout restaurant, afin de respecter son fantasme de lieu de vie agréable, fréquentable, deboursable. Je reviendrais sur ce point qui a été assez particulier dans mon restaurant, et de qu’on m’en raconte, dans d’autres restaurants de mon enseigne.

- N’oubliez pas, c’est important pour la suite de l’histoire, vous avez été conditionné à avoir une opinion sur le McDo ( vos parents, le marketing, les expériences personnelles, l’opinion publique, le fait de se sentir appartenir à un certain groupe et donc d’en respecter la « morale »…). On vous a entraîné dans une certaine perception, vous y avait adhéré ou pas, vous y avait pensé ou pas, n’empêche qu’il est là le conditionnement.

Le bouche à oreille enfantin

Vous avez tous connu ça, les modes dans les récrés. Un jouet qui faisait fureur et que tout le monde finissait par avoir.

Si l’enfant avait le portefeuille d’un adulte, il serait le plus gros consommateur du monde, ce serait le client rêvé. Parce qu’il se fait berner avec plaisir : regarde, c’est le truc le plus génial du monde ! Et paf, il achèterait.

C’est comme ça, c’est en étant idiot un temps qu’on devient intelligent. Si bien sûr, il y a des bons guides parentaux.

Je pense à un enfant de ma famille qu’on avait éduqué dès le plus jeune âge à être anti-McDo. Il en parlait comme si c’était Satan incarné, alors qu’il n’y avait jamais mis les pieds. C’était tout aussi idiot, car on lui avait offert une pensée toute faite, exactement dans le même processus que si on apprenait à l’enfant que les gens de peau noire étaient méchants.

C’est comme ça que le racisme né : on ne pense plus par soi même, on répète des âneries que l’on n’a même pas cherché à comprendre en quoi il pouvait être vrai ou faux.

Petit aparté destiné à mes espions qui vont encore trafiquer mes propos : J’AIME L’HUMAIN, RIEN A FOUTRE DE LA COULEUR.

Bref, ne soyons pas crétins et regardons la réalité en face : votre enfant peut être un temps votre modèle miniature, répétant tout ce que vous dites, y adhérant corps et âme, mais arrive à un moment où il gagne sa propre personnalité, et sa propre opinion (enfin, on espère pour lui).

L’enfant est un enfant, et le monde est énorme avec des tonnes de choses. Ce n’est pas parce qu’il parle qu’il a tout compris. Il a besoin d’un guide qui l’amène à comprendre que par exemple ce n’est parce que tous les enfants ont un même objet qu’il est nécessaire qu’il est le même.
Il est merveilleux ce gamin, c’est sûr, mais la science n’est pas infuse.

Tout ça pour dire que le marketing a compris, lui, les potentialités de consommation de votre enfant ou de celui que vous avez été. Le marketing a soif de client, c’est dire à de pognon, de fric, encore plus de pognon. Le marketing, va tenter de s’emparer de l’esprit de l’enfant, c’est facile, un cerveau tout neuf, pas fini. Il peut même modeler ce cerveau pour le futur, s’il s’y prend bien.

On voit un peu le décor. L’enfance et la restauration rapide… Attention pas de culpabilité parent ou grands enfants ou je ne sais quoi, la culpabilité, ça fait pas avancer quoi que ce soit. C’est pas un drame de faire des repas dans le temple du burger, même régulièrement, c’est pas un drame de se faire avoir par la pub qu’on soit petit ou grand, c’est très compréhensible. Ce que personnellement je trouve grave, c’est la manipulation des entreprises, les techniques perverses, l’anti-psychologique, la bêtise.
Ça par exemple :

Les recherches en neuromarketing, qui ont l’ambition de permettre une meilleure connaissance des facteurs de mémorisation ou encore une plus forte capacité à orienter le comportement d’achat des consommateurs, ont notamment permis à ce jour de mettre en évidence la manifestation cérébrale des préférences de marque. http://www.creg.ac-versailles.fr/article.php3?id_article=220

Ou dans un genre radicalement différent, mais tout aussi énervant :

"Mes enfants avaient six mois quand je les ai emmenés pour la première fois au McDonald's. Ils ont mangé du poisson et des frites. Je mâchais d'abord la nourriture, parce qu'ils n'avaient pas encore de dents." "Je laisse les triplés manger des frites parce que je pense que c'est la meilleure façon pour savoir quelle nourriture ils aiment." http://www.7sur7.be/7s7/fr/1504/Insolite/article/detail/835448/2009/04/28/A-huit-mois-leur-m-re-les-goinfre-de-fast-food.dhtml

Voilà quelques-unes des réalités dont j’avais épargné l’article de "surface", à propos de la période de l’enfance et son rapport avec McDo-Quick-Etc…

Pour certains clients-équipiers-en-puissance, cela peut représenter des souvenirs de famille ( qui peuvent être embelli grâce au marketing, agrémenté par une mémoire soucieuse de construire quelque chose de joli ou carrément faux). Comme dans la pub, on se voit gamin découvrant et jouant avec son jouet, courant, batifolant dans l’espace jeux (le jouet peut ne pas avoir été aimé pour ce qu’il est : la propagande enfantine des cours de récré à socialiser le moment et en a fait le un instant à vivre obligatoire pour être comme tout le monde et donc presque obligatoire pour s’intégrer. En résumé : c’est une norme, si tu ne la suis pas t’es un gros nul. La cour de récré est cruelle, mais on les excuse les bambins, car leurs cerveaux ne sont pas complètement formés. ). C’est presque un jour de fête, pour un gamin (c’est ça exactement : le conditionnement a été tellement énorme au préalable, ça ne peut qu’être un moment génial. Les moments ne sont pas formidables en eux même, c’est une histoire de désir, de fantasmes : de psychique) on fait quelque chose qui diffère de l’habituel et en plus y a le côté jeu.

Et ce qui est amusant, c’est qu’on n’a pas parlé de bouffe une seule seconde.
C’est tout à fait secondaire, presque hors sujet…

Suite : Phase 2 : l'adolescence
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